En novembre dernier paraissait Stade Rennais Data Story, le premier ouvrage de Rouge Mémoire. Fondé en 2011 et connu de tous les supporters ou presque, ce site est une encyclopédie retraçant l’histoire du club au travers de milliers de données. À cette occasion, Radio Roazhon s’est entretenu avec Fabrice Pinel, fondateur de Rouge Mémoire et écrivain du livre. Rencontre avec ce passionné au sang rouge et noir...
Radio Roazhon : « Comment as-tu eu l’idée d’écrire le livre « Stade Rennais Data Story » ? Était-il prévu de longue date ? »
Fabrice Pinel : « Tout débute durant le Covid où un éditeur strasbourgeois m’a proposé de faire un livre. Pour tout te dire, je ne me voyais pas faire ça. Cet éditeur avait déjà fait un « Racing Data Story » pour le Racing Club de Strasbourg. Son idée, c’était de faire des Data Story dans tous les clubs de France où il y avait des gens capables de le faire. À Rennes, il a rapidement identifié que Rouge Mémoire avait de la matière.
Le livre de Strasbourg faisait à peu près 110 pages donc c’était le modèle de base qu’il m’a donné, en me disant qu’il fallait faire un truc dans cet esprit-là. Finalement, on est passés de 110 à 288 pages. On a placé la barre un peu plus haute (rires). Il a fallu que l’idée murisse dans ma tête pour me dire : « qu’est-ce qu’on met dans un livre ? ». Il faut qu’un livre soit lisible, et pour ça, il faut une certaine logique dedans. On ne peut pas tout mettre en vrac…
Ça m’a pris, en gros, un an et demi pour me dire dans quel sens on allait aller. En novembre 2022, le livre était sorti après 9 mois d’écriture intensive puisqu’elle avait commencé en janvier 2022. »
Pour récupérer toutes ces archives, les membres de Rouge Mémoire utilisent différentes stratégies. La première, consiste à effectuer des recherches sur le web. Fabrice Pinel s’est également beaucoup inspiré des ouvrages de Claude Loire, archiviste reconnu du club, disparu en fin d’année dernière. Ils travaillent aussi avec des archivistes, rennais ou non, qui leur fournissent des coupures de presse, tout comme les anciens joueurs du club qui possèdent souvent des extraits de journaux relatant leurs exploits !
RR : « Sur la couverture du livre, il y a écrit « avec le soutien du Stade Rennais ». Le club t’a donc soutenu dans ta démarche ? Comment as-tu travaillé avec eux ? »
FP : « Déjà, le club a toujours eu un œil bienveillant, quelles que soient les directions et les responsables de com’, vis-à-vis de Rouge Mémoire. Le Stade Rennais a toujours respecté notre travail. Le club m’a vraiment contacté en 2018 lorsqu’il s’est lancé dans le projet de Galerie des Légendes. Il fallait de la matière historique pour alimenter cette galerie. Depuis 2018, on collaborait avec le club sur ce projet-là.
Quand je me suis lancé dans le projet de livre, j’ai demandé le soutien du club parce que j’avais du mal à imaginer écrire un livre sur le Stade Rennais sans pouvoir ne serait-ce qu’exploiter le logo. Par exemple, à Strasbourg, ils n’ont pas de relation comme ça avec le Racing, il n’y a même pas le logo dans le livre.
Quand j’ai commencé à écrire le livre, que j’ai vu que ça avançait, j’ai contacté les mêmes personnes avec lesquelles on travaille dans le projet de Galerie des Légendes pour avoir leur soutien. Un soutien pas financier, mais juste une autorisation d’exploitation du logo. Ils nous ont fait un peu de promo sur les réseaux, ont pris le livre pour le mettre en vente dans leur boutique… Puis, ils nous ont aussi fourni un peu d’images. On en est très contents puisque le livre est estampillé Stade Rennais et c’est bien que le club y soit associé. »
RR : « J’imagine que certains des dirigeants, des membres de l’équipe administrative, voire des joueurs ont dû lire le livre. As-tu eu des retours ? »
FP : « Je vais te donner une petite anecdote. J’avais laissé un livre dans le vestiaire afin que chacun des joueurs le signent puisqu’à la fin du livre, il y a une photo de tous les joueurs de l’effectif actuel. Benjamin Bourigeaud, qui est à l’affut, a fait sa signature comme tous les autres joueurs, sauf qu’il a rectifié quelque chose. On a mis que Lens était dans le 59 ! C’est un peu comme si nous, on avait mis que Rennes était dans le 44. En plus de sa dédicace, il nous a écrit un grand 62 à la place du 59 au marqueur (rires).
Sinon, les dirigeants ont bien sûr soutenu le livre, s’y sont intéressés, notamment Jacques Delanoë, le président du Conseil d’administration. C’est lui qui est à la base de la Galerie des Légendes et qui a fait appel à nous, à l’époque. Il préface d’ailleurs notre livre. Il l’a soutenu et je pense qu’il en a parlé en bien autour de lui. On a eu un œil bienveillant du club sur notre livre et tant mieux, au-delà de la petite anecdote du vestiaire (rires). »
La Galerie des Légendes a ouvert en 2019. Rouge Mémoire a participé à sa mise en place après avoir été sollicité par le club. « Une grande fierté » pour Fabrice. L’été dernier, la Galerie a d’ailleurs été nettement agrandie, passant de 300 à 1000 mètres carrés, pour le plus grand bonheur des supporters !
RR : « Qu’as-tu ressenti au moment de la parution du livre ? Un sentiment de fierté, d’aboutissement, l’envie de faire encore autre chose ? »
FP : « L’instant précis où le livre sort, c’est bête, mais ce n’est pas la joie ou la fierté qui prédomine, c’est le soulagement ! Parce que faire un livre, je ne l’avais jamais fait et c’est difficile. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui écrivent des livres, car c’est un métier où tu es globalement tout seul. Certes, il y a des gens qui te fournissent de la matière, mais le livre, il faut l’écrire, le penser, le mettre en forme. Il fallait que quelqu’un s’y colle et c’était moi.
Les dernières semaines de finalisation du livre sont vachement stressantes parce qu’autant, on n’avait pas trop de pression sur une deadline, mais plutôt sur la volonté de bien faire, que je m’infligeais moi-même d’ailleurs. Le dernier mois de rédaction et de relecture, ce sont vraiment des mois difficiles où tu te mets entre parenthèses de toute autre action que le livre. Tu sors du boulot et tu te remets au boulot !
Ensuite, dans les semaines qui ont suivi, évidemment, ce n’était que du plaisir. Il y a les moments de promotion, les médias qui te sollicitent, les librairies qui font appel à ton livre. Voir son livre dans les stands, dans les boutiques, c’est que du kiff… Les séances de dédicace aussi. Mais à la sortie, c’est le soulagement ouais, c’est « ne me parlez pas de livre dans les 12 mois qui viennent » (rires) ».
RR : « Quelle statistique aimerais-tu faire ressortir de ce livre, laquelle te plaît le plus ? »
FP : « Ce qui me plait, ce sont les records. Les trucs qui n’arrivent qu’une fois dans l’histoire d’un club et qui peuvent être battus à tout moment. Et là, on est gâtés depuis deux ans : chaque semaine ou chaque mois, le Stade Rennais bat un record historique. Le dernier en date était d’avoir 37 points à mi-parcours. De faire 17 matchs de suite sans défaite, ce n’était jamais arrivé non plus. Enfin, ça l’était, mais sur des années de Ligue 2. Ce sont ces stats-là qui me marquent le plus parce que ce sont les plus récentes et surtout, ce sont des records historiques inégalés.
L’année dernière, on fait 66 points en championnat, ce qui est aussi un record. On vit vraiment une époque bénie pour le Stade Rennais. Les plus jeunes n’en ont pas forcément conscience. On le voit sur les réseaux sociaux : certains se plaignent parce qu’on perd trois matchs en un mois, alors qu’on n’en a pas perdu pendant 4 mois avant (rires).
Si on doit revenir au livre, ce qui m’a plu, et je pense qu’on est les seuls à l’avoir fait, c’est de retracer toutes les séances de tirs aux buts auxquelles le club a participé. On a réussi à reconstituer chaque séance, avec les tireurs dans l’ordre. Il y en a eu 25 en tout dans l’histoire du club. C’était un défi un peu fou sur la fin de la rédaction du livre. Ça nous a demandé un peu de boulot, mais c’est une stat’ que j’ai aimée retracer parce qu’elle est un peu unique. »
RR : « Quels sont les projets futurs de Rouge Mémoire ? Poursuivre l’archivage des saisons restantes ? D’autres surprises ? »
FP : « Il y a des choses claires et des choses floues (rires). Je vais commencer par les claires : l’objectif à la sortie du livre, c’était de retracer le temps. La difficulté, c’est qu’on avait beaucoup de données jusqu’en 1932, mais elles n’étaient pas complètes. En termes de scores, on avait tout, mais concernant les compos, les statistiques, c’était moins le cas.
L’objectif maintenant, avant même de penser à faire un autre ouvrage, c’était d’aller au bout de l’histoire, jusqu’en 1932. Ce sont les saisons les plus dures à compiler parce que plus on est loin dans le temps, moins il y a d’archives, de données sur le web… Le club, c’est 1901, on a plein de choses avant 1932, mais le but, c’est de retracer toute l’histoire professionnelle du club.
L’objectif ensuite, c’est de continuer à valoriser la Galerie des Légendes. De répondre aux attentes du club quand il nous sollicite pour des aménagements de ce lieu. C’est un endroit qui nous plait beaucoup. Et puis, on ne s’interdit pas de retourner sur un autre livre un peu différent. On veut aussi continuer de faire vivre les réseaux sociaux, de faire des interviews d’anciens joueurs et de plus récents. »
Aujourd’hui, ils sont cinq à enrichir au quotidien le site Rouge Mémoire (en plus des autres contributeurs). Fabrice Pinel en est donc le fondateur. Avec lui, Pierre Rolland, développeur de la nouvelle version du site, arrive en 2014. Tout comme Mathieu Lechaparpentier, archiviste. En 2020, pendant la période Covid, deux nouvelles personnes se joignent à l’aventure : Franck Peutrec qui participe à la mise en ligne des statistiques et John Gray qui traduit l’intégralité du site en anglais. Une belle équipe de passionnés !
Entretien réalisé le 9 février 2023 par Jocelyn Gouriou
Pour commander le livre, rendez-vous sur le site de Rouge Mémoire :