Le Stade Rennais se déplace chez un monument du football turc, le Fenerbahçe SK, pour la cinquième journée de League Europa. Un match décisif pour la première place du groupe. L’atmosphère au Şükrü Saracoğlu Stadium, boostée par l’enjeu, s’annonce brûlante.
Ce jeudi soir, le Stade Rennais foulera l’une des pelouses -si ce n’est la pelouse- la plus chaude qu’il ait connu dans son histoire européenne. Le Şükrü Saracoğlu Stadium. Au coup d’envoi, environ 45.000 personnes soutiendront les hommes de Jorge Jesus. Un guichet fermé. À titre d’exemple, en Ligue 1, seul le Vélodrome, le Groupama Stadium et le Parc des Princes soutiennent la comparaison en termes d’affluence. De quoi impressionner.
La ferveur, de la rue jusqu’au stade
Ici, la sentence “jour de match” prend tout son sens. Plusieurs heures avant le coup d’envoi, le quartier Kadikoy (emplacement du stade) sera pris d’assaut. Cihan, supporter des “canaris” le confirme : “Les rues demeureront bondées trois à quatre heures avant le match.” Le décor est planté. Mais alors pourquoi venir aussi tôt ? “On se regroupe pour chanter à l’unisson dans les rues, certains préparent le tifos. C’est jour de fête”. Un échauffement avant les choses sérieuses.
La suite ? Un remplissage rapide du stade et deux shows précédant l’entrée des joueurs. Frissons garantis. Le premier : Bir şarkısın sen. “On chante tout en sortant nos écharpes, c’est devenu un rituel”. Mais la seconde animation est plus parlante. “C’est ma préférée”, lance Didoş : Fenerbahçe Mohikan Marşı. Une musique reprise du film Le Dernier des Mohicans. Écharpes brandies, les supporters de Fenerbahçe s’époumonent. “Le show avec cette musique est incroyable, la concentration des supporters avant d’encourager les joueurs pour le match, comme si on se prépare pour la guerre. Les Turcs deviennent matrixés avec ce show (rires)”.
Le football comme échappatoire
Autre constat : Le club stambouliote est une famille. Une grande. Un terme souvent revenu dans la bouche des supporters interrogés. Même pour caractériser l’ambiance attendue jeudi : “hostile, mais familiale.” Une fratrie soudée donc, malgré l’armoire à trophée qui demeure vide à Kadikoy. 9 ans de disette. “Ici, on n’est pas des supporters des beaux jours, lance l’un des fans. Même si on n’a pas soulevé de trophées depuis 9 saisons, on reste à fond derrière l’équipe.” Car ici, le football se mue en échappatoire. Selon Didoş, le club donne la “joie de vivre” à de nombreux supporters qui n’ont pas une “situation stable”. Une fois en tribune, la condition sociale est oubliée. On se mélange même volontiers, pour l’amour du blason.
En terrain hostile mais….
L’amour des supporters stambouliotes, les Rennais vont vite s’en rendre compte. La pression mise à leur égard aussi. La coutume ? L’un des supporters interrogé la décrit. Classique : “Chaque fois que vous toucherez le ballon, ce sera une bronca !“ De quoi user psychologiquement. Où au contraire motiver les troupes de Génésio ? En tout cas, Champion du monde 2018 et rompu aux ambiances chaudes, Paul Pogba avait affronté Fenerbahçe la même saison en Europa League. L’international français s’en souvient encore (*) “Ici, on sent qu’on n’est pas chez nous, l’ambiance est un cran au-dessus de Dortmund. Je n’avais jamais vu ça.” Là aussi, ce sera un paramètre auquel les Rennais sont peu habitués. En Ligue 1, peu de stades offrent ce même comparatif. Des sifflets constants, une déstabilisation permanente. Il s’agira de passer outre. Mais à priori, selon les propos du journaliste de Stade Rennais Online, Thomas Rassouli, tenus dans Pleine Lucarne, les joueurs semblent “excités“ à l’idée de se déplacer à Fenerbahçe.
Autre question, l’accueil des supporters rennais. Selon nos interlocuteurs, l’accueil sera chaleureux. “Honnêtement, même si la Turquie est un pays chaud, les supporters rennais ne risquent rien s’il n’y a pas de provocations” ; “Ne vous inquiétez pas, vous serez très bien accueilli à Istanbul.” De quoi pousser les indécis à rejoindre l’ancienne Byzance. Et profiter de l’ambiance enivrante du Şükrü Saracoğlu Stadium.
(*) : Propos recueillis lors de l’interview de Paul Pogba avec Bruce Grannec en 2021 : https://www.youtube.com/watch?v=2ZAagW3C_yA
Radio Roazhon remercie chaleureusement les interlocuteurs cités ainsi que tous ceux qui ont manifesté leur présence pour participer.
Mathis EON