Entre un bilan mitigé à Lyon et une expérience exotique en Chine, la nomination de Bruno Génésio n’a pas fait l’unanimité au sein des supporters rennais. A la veille de son premier match sur le banc du Stade rennais, Radio Roazhon fait un point sur le parcours d’entraîneur du successeur de Julien Stéphan.
Un vent lyonnais souffle sur la capitale bretonne. Pour succéder à Julien Stéphan, les dirigeants rennais ont opté pour la carte Bruno Génésio. A 54 ans, il cumule déjà quelques années d’expérience en tant qu’entraîneur d’une équipe professionnelle. A Lyon surtout (2015-2019), son club de cœur, où il présente un bilan mitigé et en Chine aussi, au Beijing Guoan (2019-2021), une aventure plus floue et achevée par un évincement début janvier. Un parcours ni bon ni mauvais suscitant, au moment de sa nomination, des réactions contrastées des supporters rennais et une certaine méfiance.
Bruno Génésio, bon ou mauvais choix? Retour en détails sur son parcours.
Arrivée en mission commando
L’aventure de Bruno Génésio à l’Olympique lyonnais débute un 24 décembre 2015. Un joli cadeau de Noël pour ce Lyonnais de naissance, attaché viscéralement à l’OL. Il y a joué en tant que joueur, et ce dès ses cinq ans, avant d’intégrer le staff en 2005 et d’en grimper les échelons. En tout, il cumule 38 saisons dans le club. Son club. Revenons au contexte de sa nomination sur le banc rhodanien. Lyon va mal, est éliminé de la Ligue des Champions et végète dans le ventre mou de Ligue 1 à la trêve hivernale (9e). Une situation inacceptable pour un club de ce standing qui force Jean-Michel Aulas, le président lyonnais, à se séparer de son entraîneur, Hubert Fournier. Pour le remplacer, il privilégie une solution interne : Bruno Génésio, adjoint depuis 2011.
Les premiers mois de Génésio sous sa nouvelle casquette sont remarquables. Investi à la tête d’une « opération commando« , il parvient à redresser la barre et aller chercher une très belle 2e place en championnat. Pour ce faire, il fera tomber le PSG (2-1) pour la première fois de la saison en L1 et étrillera Monaco (6-1) dans un duel pour la qualification en C1. Job réussi. Un contexte similaire à ce qu’il va rencontrer à Rennes où il arrive en cours de saison. Mais il reste moins de matchs.
La suite se complique
Malheureusement la suite n’est pas aussi réjouissante. « Il faut différencier ses six premiers mois des trois années suivantes. Elles ont été beaucoup plus laborieuses, avec des résultats en demi-teinte, jamais catastrophiques mais jamais étincelants non plus », avance Idèr, supporter et membre de Coeur de Gone. En championnat, il ne parvient pas à terminer parmi les deux premiers et finit toujours loin du vainqueur : 4e en 2016-2017, 3e en 2017-2018 et 3e en 2018-2019. « La saison 2016-17 est probablement son plus gros échec. Il termine 4eme à 11 points de Nice avec une attaque Lacazette, Memphis, Fekir et Valbuena sur la deuxième partie de saison. Ca fait tâche « , pointe Jonathan de Café du Commerce OL, un autre supporter.
En coupes nationales, même déception. Sa meilleure performance? Une demi-finale de Coupe de France en 2019 perdue contre… le Stade rennais.
Pas de trophée, un bilan insuffisant en championnat, les résultats obtenus par Génésio ne sont pas à la hauteur de l’effectif lyonnais et des moyens mis à sa disposition. » C’est décevant lorsque tu as un effectif aussi qualitatif et que tu es en mesure d’être actif sur le marché des transferts », déplore Idèr. Jonathan poursuit : « Sur les 20 dernières années, il a sans doute eu l’effectif lyonnais doté du plus grand nombre de joueurs capables d’exploits individuels : Memphis, Fekir, Ndombele, Mendy, Aouar voire même Traoré. Même en jouant mal, ces joueurs parvenaient souvent à masquer les faiblesses par un coup de génie. Mais évidemment on ne peut pas se reposer là dessus indéfiniment. «
Irrégularité et manque d’idendité
La Coupe d’Europe va accentuer cette frustration d’un potentiel inexploité. Génésio emmène Lyon en demi-finales d’Europa League en 2016-2017 en éliminant Besiktas et la Roma de Mohamed Salah. Son équipe perdra face à l’Ajax. Autre moment fort, son étonnant succès face au Manchester City de Pep Guardiola en phase de poules de la Ligue des Champions 2018-2019. Il bat les Cityzens chez eux (2-1) lors de la première journée et arrachera le nul au retour (2-2). De très jolis coups.
Cette année-là, Lyon se qualifiera en huitièmes avant d’être éliminé par le Barça. Cependant, son bilan européen est à relativiser tout de même. Il a réalisé des performances notables mais le Lyon de Génésio ne compte finalement que 3 victoires en 14 matchs de LdC.
Le gros problème de son équipe, c’est qu’elle se montre régulière dans l’irrégularité. Une équipe capable de se transcender face aux adversaires redoutables et, dans le même temps, d’être inoffensive contre des équipes de bas de tableau en Ligue 1. Lui ont été également reprochés, la qualité du jeu et le manque d’identité de son équipe. » Il n’a jamais vraiment su sublimer son équipe « , regrette Idèr. « Il a été reproché à Génésio de beaucoup trop se reposer sur ces joueurs capables d’exploits individuels et ne pas suffisamment réfléchir à des solutions collectives pour déséquilibrer l’adversaire« , souligne Jonathan. Malgré cette fébrilité tactique, Génésio reste un coach porté par l’offensive. Sa formation marque 87 buts en Ligue 1 lors de la saison 2017-2018. 2,3 buts/match. Spectaculaire.
Meneur d’hommes
Dernier problème : « Son incapacité à donner du temps de jeu aux jeunes« , avance Jonathan. Idér continue : « Quel jeune du centre de formation a-t-il fait éclore ? Allez, Houssem Aouar, et encore, il a mis du temps avant de lui donner du temps de jeu. Sa réticence à bouleverser les hiérarchies et faire confiance aux jeunes aux postes où les titulaires décevaient était réelle. » Pas rassurant quand on connaît l’importance de la formation rennaise ces dernières années.
Mais Génésio ne présente pas non plus un bilan catastrophique à Lyon. Loin de là.
Son manque de régularité fait défaut. Mais il a obtenu certains bons résultats, fruits de sa patte. « Il serait incohérent de penser qu’il n’a eu une part de responsabilité que dans les défaites. Il a connu le haut niveau, les victoires en C1, une demi-finale de Coupe d’Europe : cette expérience lui sera utile. Il a aussi la faculté d’être apprécié par son groupe. À Lyon, les joueurs ne l’ont pas lâché« , tient à rappeler Idèr. Des qualités relationnelles qui lui ont permis de garder la confiance de son groupe en dépit de quelques contre-performances et des critiques des supporters.
Génésio partira à la fin de la saison 2018-2019. L’élimination contre Rennes lui sera fatale. Le climat avec une partie du public, très critique à son égard notamment sur les réseaux sociaux, n’est pas non plus étrangère à son sort. Celui qu’on surnomme « Pep Génésio » quitte le cocon lyonnais et file à l’Empire du Milieu.
Parenthèse chinoise
Au lendemain de son aventure lyonnaise. Bruno Génésio dirige le Beijing Guoan, à Pékin, dans le championnat chinois. Certainement pas pour le projet sportif, soyons honnêtes. Plutôt pour le chèque. Une manière aussi de couper avec Lyon et la France où les critiques et attaques personnelles l’ont touchées. Arrivé à l’été 2019, en cours d’exercice, il est passé proche du titre et termine deuxième de la Chinese Super League. La saison dernière, sous un nouveau format façon play-offs NBA, il est éliminé en demi-finale du championnat. Son club le congédiera début janvier. Il est difficile de juger son passage chinois tant ce championnat nous est étranger. Son niveau n’a rien à voir avec les championnats européens. Le contexte sanitaire a évidemment rendu sa mission plus compliquée.
Pour Rennes, un bon coup?
Certains s’attendaient peut-être à nom plus clinquant, un personnage plus charismatique. A court terme, Génésio reste une solution cohérente. Meneur d’hommes et doté d’une certaine expérience de la Ligue 1, il est capable de fédérer un groupe déboussolé en quête de nouveaux repères. D’autant plus qu’il a déjà connu ce scénario de pompier de service à Lyon. Pourra-t-il faire la même chose et aller chercher un ticket européen? On l’espère.
A plus long terme, des questions subsistent. Son côté peu dogmatique peut être une limite et freiner le club dans sa progression.
Avec un effectif plus limité qu’à Lyon, son passage à Rennes révèlera son réel niveau en tant que coach. « C’est un défi pour lui, mais c’est sans doute un club qui lui permettra de révéler son vrai niveau. Il aura sans doute moins de pression. S’il est bon, il réussira. Mais cette fois, il ne pourra pas se cacher derrière l’effectif« , juge Idèr. Autre bon point, ses retrouvailles avec Florian Maurice, directeur sportif, qu’il a connu à l’OL. « Le bon côté c’est que Génésio et Maurice se connaissent et s’apprécient, c’est déjà un grand pas pour que le département sportif puisse travailler main dans la main, analyse Jonathan. Pour le reste, je suis un peu déçu pour Rennes. »
Génésio, est ce que ça marchera? Personne ne la sait réellement pour l’instant. En tout cas, rendez-vous demain pour assister à ses premiers pas. Ce sera au Vélodrome contre Marseille qui accueille également un nouveau coach, Jorge Sampaoli. Match à enjeux.